L'EFFET WIDDERSHIN 

ou 

" LA VÉRITABLE ODYSSÉE DU CAPITAINE NEMO "

 

Widdershin : adverbe anglais signifiant "dans le sens contraire des aiguilles d'une montre".

  A priori, seuls les Invisibles et quelques agents privilégiés connaissent en détail les faits exposés ci-dessous... Quant aux serviteurs des Prométhéens, aucun d'entre eux, même au sein du Symposium, n'en sait assez pour pouvoir soupçonner l'insoupçonnable... du moins pour le moment, car les récentes découvertes du Professeur Barrymore sur l’Espace-Temps et la Quatrième Dimension pourraient bien le mettre sur la voie. Le Chroniqueur devra gérer comme il l'entend la découverte des détails du Projet Widdershin et de ses conséquences par les héros du Feuilleton. Quelle que soit la méthode adoptée, le récit qui suit ne devra en aucun cas être communiqué tel quel aux joueurs : il est nettement préférable plus intéressant de laisser les joueurs échafauder leurs théories, en leur offrant d’un Épisode à l’autre quelques indices susceptibles de les faire avancer dans leurs conjectures...

 

  Tout commence dans le futur, en l'an 1899, sur une Terre ravagée par trois années d’une guerre aussi stérile que meurtrière. Un brillant ingénieur, que nous appellerons le Voyageur, supervise dans le plus grand secret les dernières étapes de la construction d'un sous-marin ultra-perfectionné, le Nautilus. Pacifiste convaincu, le Voyageur a refusé de livrer les plans du Nautilus aux dirigeants de son pays – ou à qui que ce soit d’autre – de peur de voir son invention, destinée à l’exploration des océans, transformée en redoutable outil de destruction… Avec quelques autres idéalistes, il a vainement tenté d’enrayer la course à la guerre en faisant appel à la conscience des chefs des " grandes nations civilisées ", en pure perte. Aussi, après avoir épuisé ses dernières réserves d’espoir et de foi en l’homme, a-t-il finalement décidé d’abandonner le monde à son sort et de s’embarquer à bord du Nautilus, avec son épouse, ses enfants et quelques uns de leurs amis, afin de rallier les îles du nord de l’Ecosse, encore épargnées par la guerre. Pour ce faire, il a réuni un équipage composé de marins et de mécaniciens de différentes nationalités, d’une compétence et d’une loyauté éprouvées. Le périple ne sera pas exempt de dangers, car le fond des mers est devenu, lui aussi, un gigantesque champ de bataille, mais le Nautilus est un bâtiment unique, capable de battre à la course n’importe quel autre submersible… et armé de puissantes torpilles vulcaniques, que le Voyageur s’est résolu à installer afin de pouvoir se défendre en cas d’attaque : désormais, préserver la vie des siens est tout ce qui lui importe. Quelques jours avant la date prévue pour le grand départ, la guerre se charge de rattraper le Voyageur : la ville où séjournait sa famille est rayée de la carte par un bombardement massif d’obus au Vulcanium. Plusieurs centaines de milliers d’êtres humains périssent dans le feu écarlate, parmi lesquels la femme et les enfants du Voyageur. Brisé par cette ultime tragédie, il songe à se suicider, mais la colère l’emporte bientôt sur le chagrin et le Voyageur décide de vivre pour venger les siens et toutes les autres victimes innocentes de cette guerre absurde. Avec un équipage réduit, il s’embarque à bord du Nautilus – mais avec un but bien différent de ceux qui l’animaient jusqu’alors : faire la guerre à la guerre sous son propre pavillon et en son seul nom, celui d’un homme qui a tout perdu et ne désire plus que l’oubli. Il prend alors le nom de Nemo ("personne"), en signe du sacrifice de son identité. Commence alors une campagne de plusieurs mois, au cours de laquelle le Nautilus envoie par le fond un grand nombre de navires de guerre et de submersibles militaires, sans distinction de nationalité, semant la panique sur son sillage…

 

  Puis, en 1900, l’impensable survient : la Terre est envahie par les Prométhéens. Affaiblies et divisées par la Grande Guerre, les nations du globe n’opposent qu’une résistance dérisoire aux entités venues de Mars, qui colonisent en quelques mois la quasi-totalité de la planète, exterminant sans pitié ses derniers défenseurs et réduisant les populations terrifiées à l’état de bétail humain. Depuis sa cabine du Nautilus, le Voyageur assiste, frappé d’horreur, à l’irrémédiable destruction de ce monde qui a été le sien et qu’il aurait tant voulu sauver, en dépit de la folie des hommes et sa propre soif de vengeance. A présent, tout est terminé : la Terre n’est plus qu’un champ de ruines, et l’humanité une espèce asservie, condamnée à une irrémédiable soumission. Seul le fond des mers demeure encore hors de portée des nouveaux maîtres de la Terre – mais pour combien de temps ? Conscients que leur survie n’est qu’une rémission temporaire, Nemo et son équipage décident de faire descendre le Nautilus à des profondeurs encore jamais atteintes, quitte à ce que l’océan devienne leur tombeau. C’est par un jour de février 1901, au cours de ce qui devait être la dernière plongée du Nautilus, que le capitaine et son équipage font une rencontre qui sauvera leur vie et la changera à jamais : celle de mystérieux hommes-dauphins, que l’un d’eux baptise Selkies en souvenir des légendes de sa contrée natale. Amicaux et bienveillants, les êtres établissent rapidement un premier contact télépathique avec le Voyageur et ses hommes. Comme le Voyageur le découvrira plus tard, son arrivée dans le monde des Selkies correspond pour ces derniers à l'accomplissement d'une prophétie immémoriale : pour ces habitants du fond des mers, Nemo est "le dernier sage de la surface", destiné à guider leur peuple vers une nouvelle ère. Bouleversés et émerveillés par l’incroyable découverte, les passagers du Nautilus se laissent guider par les Selkies jusqu’à un lieu qu’aucun homme n’a jamais contemplé auparavant : les ruines d’un Sanctuaire de l’antique Atlantide, noyées sous les eaux depuis des millénaires. Là, avec l'aide des Selkies, le Voyageur exhume un fabuleux trésor : plusieurs dizaines de cylindres, chargés de quelques pans de la mémoire et de la science des Atlantes, ainsi que l’étrange machine permettant de les lire…

 

  Grâce à ses connaissances exceptionnelles en mathématique et à un esprit analytique particulièrement aiguisé, Nemo parvient à décrypter le fonctionnement de l’extraordinaire machine, laquelle lui dévoile bientôt les prodigieuses possibilités de l’ancienne science des Atlantes…

 

Cette fabuleuse machine deviendra " l’orgue " du Nautilus. Pour plus de détails sur son fonctionnement

 

  Mais son exaltation se teinte bientôt de désespoir : à quoi bon disposer d’un tel savoir, à présent que tout est perdu ? Il est trop tard, trop tard pour sauver le monde, l’humanité et même les Selkies qui sont, eux aussi, condamnés à disparaître, victimes de la pollution vulcanique des océans… à moins que les Prométhéens ne découvrent leur existence et ne les réduisent, eux aussi, à l’état de bétail.

 

  Si seulement il avait pu avoir accès à tout cela avant, lorsqu'il était encore temps ! Forts des enseignements de l’héritage atlante, les hommes auraient pu être guidés vers une ère de paix et de fraternité et, grâce aux formidables applications de cette science oubliée, œuvrer ensemble à la défense de leur monde. C’est au plus fort de son désarroi que le Voyageur va faire une découverte qui changera à jamais le cours du futur… mais aussi du passé.

 

  Grâce aux cylindres atlantes, il se familiarise avec la théorie du " saut mathématique " (téléportation) et avec le fonctionnement des Portes, ces extraordinaires artefacts qui permettaient aux anciens maîtres de la Terre de se transporter instantanément d’un point de la planète à un autre… Les cylindres parlent également de la possibilité d’utiliser ces Portes pour remonter le cours du temps, et détaillent même les incroyables expériences menées dans ce but par les plus grands physiciens atlantes, quelque temps avant la disparition de leur civilisation. Ces révélations font naître chez Nemo un espoir insensé : et s’il était possible de retrouver une de ces Portes, de la remettre en état de marche et d’en modifier le fonctionnement afin de revenir en arrière et d’altérer à jamais le cours de l’Histoire ? Si une telle chose était faisable, alors lui, Nemo, pourrait remonter le temps et alerter les hommes contre les dangers de la Grande Guerre, peut-être même l’empêcher et aider les nations de la Terre à s’unir contre la menace prométhéenne… repousser l’invasion, sauver le monde, changer le passé et bâtir un nouveau futur : les possibilités sont infinies, vertigineuses, étourdissantes… Mu par cet ultime espoir, le Voyageur confie ses découvertes, ses hypothèses et ses doutes aux vieux sages Selkies, dont les réponses le laissent sans voix, puisqu’ils connaissent précisément la localisation d’une de ces Portes, engloutie quelque part sous l’océan.

 

  Les Selkies escortent bientôt le Voyageur et ses compagnons jusqu’à l’emplacement du portail, qui se présente sous la forme d’une gigantesque arche façonnée dans une étrange matière mi-rocheuse mi-métallique et dont la surface est couverte de caractères énigmatiques, qui constituent en fait le schéma de fonctionnement de l’artefact… Nemo découvre que la Porte, miraculeusement préservée des ravages du temps,  pourrait assez facilement être réparée, réactivée et peut-être même modifiée par un savant disposant comme lui des fabuleuses connaissances contenues dans les cylindres atlantes. Avec l’aide de ses hommes d’équipage et des fidèles Selkies, le Voyageur s’attelle à son formidable travail. Certes, l’espoir semble fou, chimérique, et l’opération comporte de nombreux dangers, mais qu’a-t-il à perdre ? Les auteurs des cylindres mettent clairement en garde l’imprudent qui tenterait d’ouvrir les Portes sur le maelström du temps et suggèrent que les physiciens atlantes eux-mêmes abandonnèrent leurs expériences lorsqu’ils comprirent qu’un saut temporel pouvait créer un phénomène de vortex susceptible d’aspirer dans le néant leur réalité d’origine… Pour Nemo, ce risque suprême n’en est pas un, son but étant justement d’empêcher le présent : dès lors, il lui importe peu que son ultime expérience entraîne la destruction soudaine de ce monde de cauchemar, où les derniers représentants de l’espèce humaine sont condamnés à subir le joug des Prométhéens sur une Terre à jamais dévastée.

 

  A l’unanimité, le capitaine et les passagers du Nautilus décident de lancer le sous-marin à travers la Porte, vers ce passé porteur de tant d’espoirs : un des hommes d’équipage qualifie la Porte de " Machine Widdershin ", appellation bientôt reprise par tous. Les connaissances imparfaites du Voyageur, l'urgence de la situation, les particularités de la mathématique atlante et les lois capricieuses de l’espace-temps ne permettent pas à Nemo d’envisager un saut temporel de plus de vingt-quatre années en arrière.

 

  Le Nautilus arrivera donc en 1877… s’il ne se perd pas dans les méandres du temps. Dans une ambiance où le doute et le désespoir le disputent à l’enthousiasme le plus débridé, on procède aux derniers préparatifs de l’étrange traversée. Quant aux Selkies, ils acceptent leur destinée avec une étonnante tranquillité, guidés par une foi inébranlable dans leurs anciennes prophéties : l’un d’entre eux, un Mémorien, accompagnera le Voyageur à travers la Porte, afin d'assister et de guider Nemo dans sa titanesque entreprise… Les autres resteront en arrière, afin de sceller à jamais la Porte du temps.

 

  A l’intérieur du Nautilus, le Voyageur adresse une brève prière au destin. La Porte temporelle est activée : à l’intérieur de l’arche apparaît bientôt une spirale aux couleurs inconnues, Maelström ouvert sur les méandres de l’espace-temps. Lentement, le Nautilus s’engage dans le tourbillon… A bord, tout semble se figer durant quelques instants : par les hublots, on aperçoit une myriade de formes luminescentes qui semblent danser autour de la coque. Puis, soudain, dans un grondement de tonnerre, le Nautilus retrouve le fond des océans. " Sommes nous… passés ? " murmure, étourdi, un des hommes d’équipage. Après quelques secondes d’hésitation, le Voyageur ordonne une remontée. Tous retiennent leur souffle. Lorsque le Nautilus émerge, ses passagers contemplent un ciel bleu et dégagé, vide de toute vapeur vulcanique, un ciel comme on n’en avait plus vu depuis la Guerre… le ciel de 1877.

 

  Bientôt, le Voyageur et ses compagnons partent à la (re)découverte de ce monde qui leur semble à la fois si familier et si étrange. Leurs premières escales à terre se déroulent dans l’euphorie mais leur réservent également quelques perturbantes surprises – à commencer par Vingt Mille Lieues sous les Mers… C’est au cours d’un bref séjour à Paris que Nemo lui-même découvre le roman de Jules Verne, auteur dont il n’a jamais entendu parler mais qui semble inexplicablement célèbre dans ce passé-ci, où tout devrait pourtant être identique... En feuilletant l’ouvrage, Nemo est comme frappé par la foudre : tout est là, écrit noir sur blanc – Nemo, le Nautilus, les ruines de l’ancienne Atlantide… mais rien sur l’invasion venue de Mars, rien sur les Selkies ni sur le saut temporel… et tout cela mêlé à des péripéties romanesques et à des personnages fictifs. Mais comment ce Jules Verne a-t-il pu savoir ? Déjà stupéfait, Nemo sent sa raison vaciller lorsqu’il apprend que le roman de Verne a été publié en 1867, soit dix ans exactement avant son arrivée… Peu à peu, la seule explication scientifiquement acceptable s’impose à l’esprit du Voyageur : le passé dans lequel il est revenu a été subtilement altéré par l’acte même de son retour, lequel a entraîné diverses modifications rétrospectives de la réalité… à commencer par l’existence de ce livre " impossible ". Bien décidé à en découvrir davantage, Nemo s’arrange pour rencontrer Verne en personne, sous l’identité d’un chroniqueur littéraire. Très vite, Nemo découvre que Verne n’est pas le visionnaire exalté auquel il s’était attendu, mais un écrivain débonnaire pour qui Nemo et le Nautilus ne sont que les produits de son imagination, une imagination " raisonnable ", avant tout basée sur la spéculation scientifique et l’inspiration romanesque. Perplexe, Nemo renonce pour le moment à explorer plus avant ce singulier mystère pour revenir à la mission qu’il s’est fixée…

Pour en savoir plus sur ce troublant paradoxe

  Une des priorités de Nemo est l’élimination de l’homme qui, dans son futur, a mené le monde à sa perte : le futur président américain Sillerton Warren Jr. Bien sûr, Nemo n’est pas assez naïf pour croire qu’un seul acte suffira à sauver la planète d’un conflit global, mais l’élimination de Sillerton lui apparaît comme une première nécessité, le point de départ d’une formidable lutte contre le Temps et l’Histoire. En 1877, Sillerton Warren Jr a une petite trentaine d’années et vient à peine de commencer une carrière politique prometteuse ; fils unique du célèbre milliardaire du même nom, il semble promis au plus brillant avenir et ambitionne d’ores et déjà un siège au sénat. Nemo n’a guère de mal à retrouver la trace d’un personnage aussi en vue. Il ne lui reste plus qu’à attendre le moment propice pour frapper, depuis la salle de commandement du Nautilus. Lorsqu’en septembre 1878, Warren Jr embarque à bord de l’Aurora, le yacht de son père, pour une croisière familiale au large de l’Australie, Nemo sait que l’heure est venue. Une fois le yacht en haute mer, il lance le Nautilus à l’assaut. Le submersible éperonne le navire par trois fois et, très vite, l’Aurora sombre au fond de l’océan, avec tout son équipage et ses passagers : Sillerton Jr, mais aussi sa mère, sa femme et leur jeune fils. La nouvelle de l’inexplicable " naufrage de l’Aurora " parvient bientôt aux Etats Unis, plongeant une partie du pays dans la consternation. Comment un yacht ultra-moderne, doté d’un équipage trié sur le volet, a-t-il pu sombrer ainsi en quelques minutes, sur une mer qu’aucune tempête ne semblait agiter ? Des rumeurs de sabotage ou de piraterie commencent à se répandre ; on parle aussi d’une baleine ou d’un serpent de mer… comme dans le roman de Jules Verne !

  Mais on ne change pas impunément le cours de l’Histoire et, en éliminant Sillerton Warren Jr, Nemo va bouleverser l’existence de son père le milliardaire, créant ainsi un nouvel enchaînement d’événements imprévisibles…

 

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