LES ÉCRIVAINS VISIONNAIRES

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  Le saut temporel effectué par Nemo a créé d’étranges perturbations au sein de la Quatrième Dimension. En traversant le Maelström, le Nautilus a provoqué une véritable onde de choc au sein de la réalité, onde de choc qui s’est répercutée à la fois en aval et en amont de son point d’arrivée. En clair, l’irruption du Nautilus en 1877 n’a pas seulement modifié le cours de l’histoire à partir de cette date mais a également provoqué de subtils remous au sein de l’histoire antérieure du monde d’Uchronia : ça et là, quelques événements ont été altérés, quelques destinées modifiées, sans que quiconque en ait conscience. Bien sûr, ces remous étant des effets secondaires, leur incidence sur le cours de l’histoire a été mineure, de sorte que le passé du monde d’Uchronia semble, à première vue, totalement identique à celui de notre monde et, surtout, à celui du monde d’origine de Nemo…

 

  Un exemple particulièrement troublant de ce phénomène est le cas des écrivains Jules Verne et Herbert George Wells. Dans notre monde, ces deux auteurs devinrent les pionniers d’un nouveau genre de littérature : la science fiction. Aujourd’hui encore, nous restons émerveillés par la faculté d’un Jules Verne à imaginer les " machines de demain " ou par le caractère visionnaire de nombreuses œuvres de Wells. Dans le monde d’Uchronia, et dans le monde d’origine de notre Nemo, la destinée de ces deux illustres personnages emprunte d’autres chemins…

  Dans le monde d’origine de Nemo, ni Verne ni Wells ne devinrent célèbres en tant qu’écrivains. Verne resta fidèles à ses premières amours littéraires, le théâtre, et ne connut aucun succès en tant que dramaturge. Il n’écrivit ni Vingt Mille Lieues sous les Mers, ni L’Ile Mystérieuse ni aucun des Voyages Extraordinaires. Herbert George Wells, de son côté, n’écrivit ni La Machine à Explorer le Temps ni La Guerre des Mondes ni aucun autre roman et partagea sa vie entre le journalisme et l’enseignement, sans jamais connaître la gloire… Tous deux disparurent en 1900, lors de l’Invasion Prométhéenne, avec la majeure partie de la population humaine.

 

  Dans le monde d’Uchronia, quelque chose vient altérer la destinée de ces deux personnages. L’un et l’autre, à des moments différents de leur existence, se mettent à imaginer le futur et éprouvent le besoin impérieux de transcrire leurs visions et leurs idées sous forme de romans et de nouvelles. Ces visions sont en réalité les " échos " des remous provoqués par le saut temporel de Nemo dans la trame de la Quatrième Dimension, échos que Verne, Wells et quelques autres ont " capté " de manière aussi inconsciente que mystérieuse. Tout cela n’est pas sans évoquer le processus de perception médiumnique décrit ci-dessus par le professeur Hesselius : il est possible que Verne et Wells soient, à leur insu, des " médiums ", c’est à dire des individus capables de percevoir les fluctuations de la Quatrième Dimension et d’y recueillir toutes sortes d’informations et d’impressions, y compris sur les futurs possibles. Au contraire de la plupart des médiums, nos " écrivains visionnaires " ne percevraient par leur don comme un pouvoir mystique ou psychique, mais comme une faculté d’imagination purement intellectuelle.

 

  Examinons à présent les choses sous un angle plus concret, en commençant par le cas de Jules Verne. Dans le monde d’Uchronia, Vingt Mille Lieues sous les Mers paraît en 1867, soit dix ans avant l’arrivée de Nemo. L’esprit de Verne a donc été affecté en amont, c’est à dire de manière rétrospective, par les remous du saut temporel du Nautilus : dès 1865, il " imagine " un submersible appelé le Nautilus, commandé par un mystérieux capitaine Nemo aux origines et aux motivations obscures; il songe aussi à la possibilité de voyager au centre de la Terre ou jusque sur la Lune et prévoit la future conquête du ciel par les dirigeables… Contrairement à ce que pensent la plupart des agents du Club, Nemo n’a pas adopté ce surnom ni baptisé son submersible le Nautilus en hommage au roman de Verne, puisque ce roman n’avait jamais vu le jour dans son temps d’origine ! On imagine sans peine quelle fut sa stupéfaction lorsqu’il découvrit, peu après son arrivée dans le 1877 d’Uchronia, qu’il figurait dans un roman paru dix ans plus tôt. Dès lors, il prêta une attention toute particulière à ce mystérieux Jules Verne, qui ignorait tout de la Guerre Secrète et de la menace prométhéenne  mais dont certains romans étaient inexplicablement truffés de références au futur : ceci explique la surveillance spéciale dont Verne fait l’objet de la part du Club. En dehors de Nemo et de ses compagnons de voyage temporel, seul Sir William Thompson a connaissance de cette singulière vérité.

 

  Bien sûr, en incorporant ces échos du futur à leurs récits, l’auteur les a amalgamés avec des éléments de sa propre invention ou dictés par les conventions littéraires : ainsi, tout ce qu’a écrit Verne dans Vingt Mille Lieues sous les Mers sur Nemo et sur le Nautilus ne correspond pas nécessairement à la réalité et certains de ses romans restent des œuvres de pure fiction, ne comprenant aucun véritable écho du futur. Ceci explique également les singulières incohérences existant entre le Nemo de Vingt Mille Lieues… et celui de L’Ile Mystérieuse… Dans un même ordre d’idées, certains échos ne sont pas forcément présentés par l’écrivain comme des éléments futuristes ou extraordinaires : ainsi, Verne ignore tout à fait qu’en décrivant l’orgue du capitaine Nemo, il a en réalité décrit une machine analytique d’une immense complexité ; de même, les nombreuses bizarreries du personnage de Phileas Fogg et certaines des péripéties qui émaillent son Tour du Monde en Quatre Vingts Jours peuvent être interprétées comme des échos très distordus du voyage temporel de Nemo (que penser en effet de répliques comme : " Je sauterai mathématiquement. " ?) ou de la lutte désespérée des agents du Club qui est, elle aussi, une " course contre le temps "…

 

  Le cas d’Herbert George Wells est à la fois fort proche et fort différent de celui de Jules Verne. Fort proche, car les romans d’anticipation de Wells intègrent eux aussi des fragments de ce futur entraperçu à travers la Quatrième Dimension. Fort différent car, contrairement à celle de l’écrivain français, la carrière littéraire de Wells appartient encore au futur du monde d’Uchronia : son premier roman d’anticipation, La Machine à Explorer le Temps date de 1895, soit cinq ans après le début habituel des Feuilletons d’Uchronia et près de vingt ans après l’arrivée de Nemo. Contrairement à Verne, Wells percevra les échos du futur en aval du saut de Nemo, ce qui explique peut-être leur plus grande " exactitude " : La Machine à Explorer le Temps fait directement écho au voyage du Nautilus, L’Ile du Dr Moreau (1896) renvoie assez précisément aux monstrueuses expériences du Dr Gregor et, bien sûr, La Guerre des Mondes (1897) est une véritable prophétie de l’Invasion Prométhéenne. En tant que Chroniqueur, vous pouvez aussi décider que d’autres romans de Wells, comme L’Homme Invisible ou Les Premiers Hommes dans la Lune, ont eux aussi un caractère prophétique… Ecrira-t-il ces romans dans le monde d’Uchronia ou bien sa destinée suivra-t-elle un autre cours, l’amenant à vivre ce qu’il aurait pu imaginer ? Une chose est sûre : un tel personnage attirera tôt ou tard l’attention des Invisibles et ferait sans nul doute une excellente recrue pour le Club…

 

  Notre examen des écrivains visionnaires ne serait pas complet sans un examen rapide du cas d’Edgar Allan Poe. Contrairement à Verne et à Wells, le célèbre romancier américain, mort en 1849, appartient au passé d’Uchronia. A première vue, il est difficile d’attribuer un caractère " prophétique " aux œuvres de Poe : contrairement aux écrits de Verne et de Wells, les récits de l’auteur de Ligeia et du Corbeau ne semblent receler aucune part d’anticipation scientifique, historique ou autre… Les " visions " qui imprègnent les œuvres de Poe sont en fait beaucoup plus subtiles et concernent principalement les phénomènes liés à la Quatrième Dimension, au magnétisme et aux mystères métaphysiques qui sous-tendent l’univers d’Uchronia : des récits comme Les souvenirs de M.Auguste Bedloe, Révélation Magnétique, Une Descente dans le Maelström et L’Etrange Cas de M. Valdemar en sont sans doute les exemples les plus éclatants – on y trouve, pêle-mêle, des phénomènes de distorsion temporelle, de décorporalisation, de transfert psychique et de voyage à travers la quatrième dimension…

 

  Quant à l’étrange odyssée maritime des Aventures d’Arthur Gordon Pym (1838), elle peut être interprétée comme un reflet prémonitoire très déformé de l’expédition de l’Hibernia, qui surviendra près de 40 ans plus tard. La conclusion est, à cet égard, particulièrement troublante : parvenus dans l’Océan Antarctique, les protagonistes survivants aperçoivent de mystérieuses silhouettes blanches, qui semblent venir vers eux… et tout s’arrête, comme si le narrateur n’avait pu en écrire davantage. Poe laissa son récit inachevé, sans autre forme d’explication, car lui-même ignorait la signification exacte de cette inquiétante vision surgie des tréfonds de son esprit… et qui, sans aucun doute, contribua à précipiter son esprit déjà fragile dans une spirale de délires hallucinatoires et de folie autodestructrice.

 

La Boucle est Bouclée

Frustrés par la " non-fin " du roman, de nombreux admirateurs de Poe imaginèrent leur propre suite aux Aventures d’Arthur Gordon Pym. La plus connue de ces suites apocryphes est sans doute Le Sphinx des Glaces, d’un certain… Jules Verne (1897) !

 

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