LES HOMMES TAUPES

 

  Ces étranges humanoïdes subterraniens vivent dans de vastes réseaux de galeries et de cavernes, loin de la surface et du monde des hommes, où ils ne s'aventurent presque jamais, car ils craignent plus que tout la lumière du soleil. Leur véritable nom s'est perdu dans le brouillard des siècles, mais les légendes transmises par nos lointains ancêtres conservent certaines traces de leur existence, sous le masque des gnomes, gobelins, lémures, trolls et autres génies souvent malfaisants du monde inférieur. En réalité, les Hommes Taupes sont les descendants dégénérés d'une espèce jadis créée par les Atlantes pour extraire le Vulcanium des profondeurs de la Terre. Comme celle des Selkies, l'espèce des Hommes Taupes survécut à la chute de l'Atlantide et au grand cataclysme qui s'ensuivit, vivant pendant des dizaines de milliers d'années à l'écart de leurs lointains cousins humains… jusqu'à ce que ces derniers ne s'aventurent un peu trop loin sous la surface, en quête du précieux minerai.

 

  L'Homme Taupe a une morphologie humanoïde, et pourrait même passer pour un être humain de petite taille dans l'obscurité, à travers un épais brouillard ou à une très grande distance. D'ossature extrêmement trapue, il mesure généralement entre un mètre trente et un mètre cinquante, mais semble plus petit à cause de sa démarche voûtée. Son épiderme, d'un gris laiteux, est incroyablement résistant. Ses mains sont pourvues de cinq doigts, nantis de griffes épaisses capables d'entamer la pierre la plus solide. Son visage est sans doute ce qui sépare le plus l'Homme Taupe de l'être humain : son front fuyant, ses arcades sourcilières proéminentes et sa mâchoire saillante évoquent assez ceux d'un pithécanthrope; ses oreilles atrophiées sont presque indiscernables et ses yeux exorbités sont semblables à deux globes jaunâtres phosphorescents.

 

  Sur le plan physiologique, les Hommes Taupes sont de parfaits mammifères. Leur espérance de vie moyenne est d'environ quatre-vingts ans, mais peut atteindre une centaine d'années pour les individus particulièrement robustes. Les femelles sont généralement un peu plus petites que les mâles, et sont dotées de six mamelles : leur cycle de gestation est de seulement trois mois, avec des portées comptant généralement de trois à six petits. Le caractère extrêmement prolifique de l'espèce ne provoque toutefois aucune inflation démographique, l'existence des Hommes Taupes étant soumise aux lois d'une sélection particulièrement cruelle. Dès les premières années de sa vie, le petit Homme Taupe est rapidement rangé dans l'une des deux catégories suivantes : les forts, qui méritent de survivre, et les faibles, qui sont utilisés comme bétail par leurs propres congénères. Ce processus de sélection instinctive ne suscite aucune révolte chez les victimes, qui acceptent leur sort avec la docilité fataliste de la bête menée à l'abattoir. A l'origine, les Hommes Taupes n'étaient probablement pas cannibales, mais la dégénérescence de leur espèce et les nécessités de l'adaptation naturelle ont irrémédiablement modifié leur instincts. Notons qu'ils se nourrissent également de racines, de fungi et de toutes sortes de petits animaux souterrains - ils seraient en outre ravis de goûter à la chair humaine au cas où d'imprudents intrus venus de la surface viendraient à s'aventurer dans leur domaine… Leurs cordes vocales atrophiées ne leur permettent pas de produire autre chose que de vagues chuintements inarticulés (qu'ils sont d'ailleurs eux-mêmes incapables d'entendre), mais ces créatures possèdent bel et bien une forme de langage primitif (voir ci-dessous). Les Hommes Taupes se distinguent également des humains par leur incroyable résistance physiologique (ils sont immunisés à la plupart des maladies et des poisons naturels) et par le fonctionnement de leurs organes sensoriels. Chez eux, le sens le plus développé est l'odorat, comparable au flair des meilleurs chiens de chasse. Leurs yeux naturellement phosphorescents leur permettent de voir assez nettement dans l'obscurité; ils possèdent également un sens particulier, qui leur permet de s'orienter de façon quasi-infaillible dans leur environnement souterrain, mais aussi de percevoir avec une extraordinaire acuité les vibrations de l'air, les changements de température. Ce sens compense le manque d'acuité de leur ouïe, très inférieure à celle des humains. A peu près complètement sourds, les Hommes Taupes ne réagissent qu'aux sons particulièrement aigus et stridents - sons qui ont généralement pour effet de les désorienter totalement et de les plonger dans le plus grand affolement. L'autre grande faiblesse physiologique des Hommes Taupes est leur extrême sensibilité à la lumière, naturelle comme artificielle : un éclair lumineux particulièrement intense (comme par exemple le flash d'un appareil photographique) peut les aveugler de façon permanente, et endommager à jamais leurs facultés de perception particulière - ce qui les condamne à une mort presque certaine à plus ou moins long terme. Une source de lumière moins intense suffit à les plonger dans une terreur panique, et même la flamme d'une allumette ou d'un briquet peut les effrayer. C'est principalement pour cette raison que les Hommes Taupes ne s'aventurent presque jamais à la surface, et encore moins près des lieux habités par les hommes, qu'ils ont appris à redouter. A l'époque préhistorique, les Hommes Taupes effectuaient encore quelques furtives expéditions nocturnes à la surface, afin de se procurer de la nourriture (le plus souvent sous la forme d'êtres humains en bas âge) et, à l'occasion, des armes et des outils; au fil des générations, les tribus humaines apprirent à combattre l'ennemi souterrain, le repoussant définitivement (?) dans les entrailles de la Terre par le pouvoir du feu et du métal. Peu à peu, le souvenir de l'existence des Hommes Taupes se fondit dans les brumes de la légende, avant de disparaître tout à fait de la mémoire humaine.

 

  Les Hommes Taupes vivent dans d'immenses cavernes souterraines, presque toujours situées à proximité des gisements de Vulcanium qu'exploitaient leurs lointains ancêtres. La structure de leur société est des plus rudimentaires, fondée sur une loi aussi simple que cruelle : celle du plus fort. Les Hommes Taupes vivent généralement en colonies, dont la taille varie surtout en fonction des dimensions de la caverne qui leur sert d'habitat, une colonie pouvant compter d'une vingtaine à plusieurs centaines d'individus, avec toujours à peu près autant de "forts" que de "faibles". Si le surpeuplement menace, l'instinct des Hommes Taupes les pousse à ranger tous les nouveaux-nés dans la catégorie des faibles et à les dévorer dès leur plus jeune âge, afin de maintenir la population à un niveau à peu près constant. Les colonies d'Hommes Taupes sont généralement très éloignées les unes des autres, et n'entretiennent entre elles ni échange ni conflit. Par contre, les guerres intestines ne sont pas rares, et semblent même constituer un élément inévitable de la vie de l'espèce. De telles luttes ont toujours pour origine une querelle entre "forts" et se soldent invariablement par la mise à mort des perdants, qui sont ensuite dévorés au cours d'un grand festin cannibale.

 

  Créatures brutales et dégénérées, les Hommes Taupes font montre d'une intelligence extrêmement limitée et très peu différenciée suivant les individus. En revanche, l'espèce possède une sorte de mémoire ancestrale commune, atavique et instinctive, où se trouvent conservées les informations vitales à sa survie - comme par exemple l'existence des habitants de la surface. Les Hommes Taupes ne sont pas doués de parole, mais possèdent une forme de langage gestuel et corporel rudimentaire permettant de traduire des notions essentielles comme la faim, l'autorité, la soumission ou encore la présence d'un danger. Ils sont en revanche capables de communiquer entre eux à distance, en frappant sur les parois d'une galerie ou d'une caverne avec un outil quelconque, suivant une sorte de code ultra-primitif composé de quelques signaux caractéristiques : appel, alerte etc. Les Hommes Taupes n'entendent pas les sons ainsi produits, mais en perçoivent les vibrations (ainsi que leur direction, leur distance etc.) avec une incroyable acuité. En l'absence d'un véritable langage, les Hommes Taupes n'ont pu développer ni culture ni technologie, du moins au sens classique du terme. Sur le plan technique, ils sont capables d'utiliser des outils rudimentaires pour trancher, percer, casser, creuser en fonction de leurs besoins; quant à leur vie culturelle, elle se limite à l'exécution d'immenses fresques rupestres sur les parois de leurs cavernes. Exécutées à l'aide de pigments d'origine minérale, végétale ou animale, ces étranges peintures, dont la raison d'être demeure un insondable mystère, se limitent généralement à des représentations très primitives d'Hommes Taupes seuls ou en groupes, entourés de motifs aussi abstraits qu'énigmatiques. Il est possible que ces peintures aient pour vocation de délimiter le territoire de chaque colonie, ou peut-être de le protéger de façon surnaturelle.

 

  En 1890, les Hommes Taupes se terrent toujours dans les entrailles de la planète, loin du monde des hommes et de sa bruyante civilisation, mais la découverte du Vulcanium pourrait bien bouleverser cette situation. La recherche du minerai-prodige va amener l'homme à descendre à des profondeurs où il ne s'était jamais aventuré auparavant… Tôt ou tard, il empiètera sans le savoir sur le territoire souterrain des Hommes Taupes. Tôt ou tard, des rumeurs au sujet de mystérieux dessins, d'ombres furtives et d'yeux jaunes phosphorescents entraperçus au détour d'un boyau se mettront à circuler parmi les mineurs. Se sentant menacés par leur ancien ennemi, les Hommes Taupes ne tarderont pas à passer à l'action. Ca et là, des mineurs commenceront à disparaître de façon inexplicable. Les dirigeants de la Compagnie Générale des Mines et la British Mining Corporation veilleront évidemment à étouffer ces étranges accidents, qu'ils tenteront d'élucider en envoyant sous terre des unités de sécurité, qui pourraient bien disparaître à leur tour… Poussés dans leurs derniers retranchements, les Hommes Taupes pourraient alors de nouveau s'aventurer à la surface, attaquant les installations minières isolées, massacrant ou enlevant leurs occupants, laissant peut-être derrière eux des marques de leur passage (dessins, empreintes etc.) ou quelque survivant terrifié en mesure de révéler leur existence à une humanité incrédule. Dans ce cas, il y a fort à parier que le Symposium, une fois averti du danger, ferait tout pour empêcher la nouvelle d'être divulguée, afin d'éviter toute curiosité superflue autour des gisements de Vulcanium placés sous son contrôle. Les Hommes Taupes pourraient alors devenir l'objet d'un nouveau secret et d'un nouveau Programme, destiné à les exterminer, ou peut-être à les utiliser comme sujets d'expérience pour quelque diabolique projet du Dr Gregor.

 

  Quant aux Invisibles, ils ignorent eux aussi (pour l'instant) l'existence des Hommes Taupes. Plus précisément, ils ignorent que la race souterraine créée par les Atlantes pour récolter le Vulcanium (et dont l'existence est mentionnée dans les cylindres atlantes du Nautilus) a survécu au cataclysme. Dans le futur d'origine du Capitaine Nemo, le Symposium avait réussi à garder leur existence secrète et à exterminer la plupart d'entre eux à l'aide d'une variante surpuissante du Brouillard Vert… mais les choses pourraient très bien suivre un autre cours dans ce monde-ci : et si un agent du Club, infiltré comme ingénieur, mineur ou administrateur au sein de la Compagnie Générale des Mines, venait à découvrir leur existence ? Que se passerait-il alors ? En tant que protagonistes de l'univers d'Uchronia, les Hommes Taupes sont entre les mains du Chroniqueur : celui-ci est libre d'ignorer complètement leur existence ou, à l'inverse, d'en faire le thème central d'une ou plusieurs intrigues. Sur le plan dramatique, ces créatures offrent l'avantage non-négligeable de pouvoir être présentés sous différents éclairages : monstres dégénérés surgis des profondeurs, objets de curiosité et de spéculation scientifique, pitoyables victimes de la cupidité humaine - ou tout cela à la fois…

 

  En termes de jeu, l'Homme Taupe typique pourra être considéré comme un protagoniste secondaire, doté des Atouts Constitution Robuste, Férocité et Vigilance Constante. Ses puissantes griffes lui permettent d'infliger de véritables blessures, exactement comme une bête sauvage.

 

Un Air de Famille

Les Hommes Taupes d'Uchronia possèdent un certain nombre de points communs avec les effrayants Morlocks décrits par Herbert George Wells dans son roman "La Machine à Explorer le Temps"… de même que les Prométhéens rappellent par de nombreux côtés les terrifiants Martiens de "La Guerre des Mondes". Rappelons que, dans le monde d'Uchronia, H.G. Wells est membre du Club : en 1890, il n'a pas encore entamé sa carrière littéraire - qu'il n'entamera peut-être jamais, compte tenu de son implication dans la Guerre Secrète et de l'incertitude qui plane sur l'histoire future de la Terre d'Uchronia…

 

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