LES MÉANDRES DU TEMPS

 

" Les hommes de science (…) savent parfaitement que le Temps n’est qu’une sorte d’Espace. "

 

" La Machine à Explorer le Temps " (H.G. Wells)

 

  Comme le savent tous les amateurs de science-fiction, la possibilité de voyager dans le temps remet en cause un certain nombre de lois de la réalité telle que nous la concevons, et s’accompagne forcément d’un cortège de paradoxes, d’effets pervers et de spéculations sans fin. Peut-on se rencontrer soi-même dans le passé ? Qu’arrive-t-il si un voyageur venu du futur provoque la mort de ses parents avant la date de sa naissance ? Si l’on effectue plusieurs allers-retours dans le passé, retrouve-t-on à chaque fois ce passé dans le même état ou modifié par les répercussions de chaque nouveau voyage ? Existe-t-il un seul flot temporel ou une infinité de possibilités simultanées, dont notre histoire n’est qu’une variation parmi d’autres ? Autant d’interrogations métaphysiques auxquelles ce court chapitre va s’efforcer d’apporter quelques débuts de réponses : loin de faire le tour de la question, ces informations ont pour objectif principal de permettre au Chroniqueur de gérer en toute quiétude les diverses implications du saut temporel effectué par le Nautilus entre un 1901 où tout est perdu et un 1877 où tout reste à faire… Elles ne sont donc aucunement destinées aux joueurs ou à leurs personnages : dans Uchronia, le voyage temporel repose entièrement sur les arcanes de la science atlante, un savoir dont, pour l’instant, Nemo et le savant William Thomson sont les seuls dépositaires. En dehors de ces deux personnages, seuls Barrymore et quelques Adeptes possèdent pour le moment un quelconque degré de savoir, essentiellement théorique, sur la possibilité de voyager à travers le temps. Libre à chaque Chroniqueur de savoir si cette possibilité doit devenir un jour une réalité pour les héros de son Feuilleton… Rappelons que les Atlantes eux-mêmes n'avaient commencé à envisager cette possibilité que quelques années avant la chute de leur civilisation, et qu'ils renoncèrent rapidement à poursuivre leurs expériences lorsqu'ils découvrirent le potentiel cataclysmique des vortex temporels incontrôlés…

 

Le Maelström

 

  En franchissant la Porte atlante, le Nautilus a pénétré dans ce que Nemo baptisera plus tard le Maelström, une sorte de tourbillon extérieur à notre réalité et où le Temps, l’Espace, la Pensée et la Matière ne sont qu’une seule et même chose. C’est en s’aventurant dans ce Maelström que l’on peut effectivement " remonter le cours du temps ".

 

  Le Maelström n’est autre que cette " Quatrième Dimension " dont l’existence est postulée dès la fin du XIXème siècle par certains scientifiques particulièrement avant-gardistes, comme en témoigne le traité de C. Howard Hinton " What Is The Fourth Dimension ? ", publié en 1884. Cela dit, il est probable que certaines cultures considérées comme primitives connaissent depuis fort longtemps l’existence du Maelström, sans pour autant en appréhender la véritable nature : il est fort possible que nous touchions là à l’origine de nombreux mythes sur l’Autre Monde, le Temps du Rêve et le Royaume des Esprits, qui sont peut-être autant d’interprétations magiques ou spirituelles d’une réalité ignorée ; qui sait si les premiers shamans, sorciers et autres prêtres de ces peuples n’étaient effectivement pas en mesure de communiquer avec cette dimension mystérieuse, selon un savoir hérité des Atlantes et qui se serait peu à peu altéré et appauvri, au fur et à mesure de sa transmission, jusqu’à perdre sa signification originelle ? Quelques médiums et métaphysiciens du Club s’interrogent également sur la possible identité entre la Quatrième Dimension et ce que les spirites les plus férus d’objectivité scientifique nomment l’Espace de Swedenborg, cette " membrane fluidique " qui séparerait le monde sensible du monde spirituel.

 

LA SCIENCE, LE SPIRITISME ET LE TEMPS

Lorsque les aléas de la Guerre Secrète lui laissent un peu de temps libre, le savant et Invisible William Thomson se livre à toutes sortes de recherches et d’expériences sur le voyage temporel, sa théorie et ses applications, travaillant à partir de ses propres spéculations scientifiques et des connaissances contenues dans les cylindres atlantes. Ce n’est que tout récemment que cet esprit fondamentalement rationnel a commencé à s’interroger sur les possibles rapports existant entre le Maelström et certains phénomènes médiumniques. Il semble en effet que le voyage temporel du Nautilus ait provoqué des "remous" à travers la Quatrième Dimension, remous ayant été captés sous la forme de rêves, de visions et d'impressions prémonitoires par quelques individus à la sensibilité psychique particulièrement développée - pour plus de détails à ce sujet, reportez-vous à la section sur les Médiums.

 

Risques et Dangers du Voyage Temporel

 

  Comme les physiciens atlantes l'avaient bien compris, le voyage temporel est une opération incroyablement dangereuse, non seulement pour le sujet mais aussi pour la texture même de l'univers. Toute ouverture du Maelström risque en effet de créer un vortex, c'est à dire une irruption incontrôlable du Maelström au sein de la réalité tangible : concrètement, un vortex s'apparente à une sorte de cyclone spatio-temporel capable d'aspirer des fragments entiers de réalité (objets, lieux, personnes et autres éléments moins directement perceptibles) dans le Maelström, avant de se refermer aussi brutalement qu'il est apparu. Les probabilités de formation d'un vortex ainsi que les critères déterminant son ampleur ou sa durée semblent défier toute analyse scientifique et rien n'interdit de supposer la possibilité d'un vortex "ultime", aux conséquences apocalyptiques pour la planète, voire pour l'univers entier.

 

  La translation temporelle comporte également des dangers considérables pour l'imprudent voyageur. Le " voyage " à proprement parler ne dure que quelques secondes subjectives, durant lesquelles les particules de matière dont nous sommes tous constitués se trouvent dissociées puis réassemblées, expérience qui peut laisser de profondes empreintes sur le métabolisme comme sur le psychisme. Ce phénomène de dissociation représente un des plus grands risques pour l’inconscient qui oserait braver les dangers du Maelström : si la translation ne s'effectue pas correctement, le voyageur court en effet le risque d'être purement et simplement désintégré, ses particules constitutives à jamais dissociées se dispersant comme autant de grains de sable à travers l'espace-temps.

 

L’Effet Héraclite

 

  Même lorsque le saut temporel se déroule sans provoquer de telles catastrophes, il entraîne toujours des conséquences imprévisibles, des divergences événementielles qui peuvent se situer en aval comme en amont du point d’arrivée. L’acte même de revenir dans le passé change ce passé, comme Nemo en a eu la preuve en découvrant l’existence de Vingt Mille Lieues sous les Mers. C’est ce que Sir William Thomson a baptisé " l’effet Héraclite ", en référence au philosophe grec selon qui " on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ". En d’autres termes, le passé ne se répète jamais à l’identique. Qui sait si le saut temporel de Nemo n’a pas entraîné d’autres divergences historiques subtiles, peut-être beaucoup plus éloignées dans le temps, entre son monde d’origine et le monde d’Uchronia ?

 

Personnes Déplacées

 

  Sur le plan psychologique, une des conséquences les plus perturbantes du retour vers le passé est sans aucun doute la rencontre du voyageur avec son "double" plus jeune. Dans le cas de Nemo et de ses compagnons de voyage temporel, le décalage d'âge était de 35 ans : pour beaucoup d'entre eux, 1877 correspondait à l'époque de leur jeunesse, voire de leur enfance; pour quelques-uns, cette date se situe même avant celle de leur propre naissance. Pour tous, revenir trente-cinq années en arrière représentait aussi la possibilité de retrouver de nombreux proches disparus, parents, amis, "futurs" amours… mais cette réalité avait quelque chose de vertigineux, d'inconcevable, même pour les esprits les plus pragmatiques. Devaient-ils tirer un trait sur leur passé et se tenir soigneusement à l'écart des personnes qu'ils avaient autrefois connues ? Devaient-ils laisser leur double vivre sa vie ou, au contraire, entrer en contact avec lui, ou veiller discrètement sur sa destinée ? Autant de questions douloureuses, auxquelles aucun être humain avant eux n'avait eu à répondre. Confrontés à tant d'incertitudes et de désirs contradictoires, les rescapés du Nautilus choisirent de s'en remettre entièrement à la décision de leur capitaine : après bien des hésitations, celui-ci décida de laisser chacun agir à sa guise, avec pour seule interdiction formelle de révéler leur véritable identité. Certains choisirent de couper les ponts avec leur passé, considérant qu'ils étaient désormais "quelqu'un d'autre" et qu'il valait mieux laisser leur alter ego "vivre sa vie", sans chercher à comprendre ou à influencer les méandres de la destinée; d'autres, au contraire, décidèrent de faire connaissance avec eux-mêmes ou de retrouver leurs proches sous une autre identité - expérience parfois douloureuse et pleine de surprises…

 

Mystères et Spéculations

 

  La nature même du Maelström et des lois qui régissent son fonctionnement demeurent pour le moment une véritable énigme pour William Thomson et les autres physiciens temporels du Club. Les savants atlantes eux-mêmes ignoraient s'il existait une infinité de continuums temporels parallèles, ou un seul courant dont le flux se trouverait altéré par toute traversée du Maelström.

 

  Ils ignoraient également si le Maelström interpénétrait l'univers de manière systématique ou s'il constituait une singularité ne s'ouvrant qu'à certains points de l'espace-temps. Pour une raison inconnue, il est apparemment impossible de voyager vers le futur à travers une Porte atlante, ce qui exclut a priori tout " retour " vers l’époque d’origine. Les données contenues dans les cylindres atlantes présentent une explication possible de ce phénomène : le voyage temporel ne s’apparenterait pas à un saut mais une chute plus ou moins contrôlée ; voyager " vers le futur " serait donc aussi impossible que de " tomber vers le haut ". Tout ceci est peut-être en rapport avec le fait que le Maelström se présente sous la forme d’un tourbillon, c’est à dire d’une spirale dotée nécessairement d’un sens de rotation : à partir de là, on peut penser que le mouvement widdershin, c’est à dire à rebours du temps, correspond justement à ce sens de rotation. Suivant cette interprétation des choses, voyager vers le passé consisterait à se laisser aspirer par le tourbillon jusqu’à un point défini correspondant à la fenêtre temporelle choisie : voyager dans le futur consisterait dans ce cas à inverser le mouvement du Maelström, ce qui paraît a priori totalement inconcevable et entraînerait certainement d'inimaginables conséquences à l'échelle de l'univers.

 

  De toutes ces considérations découle une interrogation suprême, qui alimente les méditations les plus vertigineuses de William Thomson : qui y-a-t-il au centre du tourbillon ? Un voyageur qui serait aspiré jusqu’au cœur du Maelström assisterait-il à la création du monde ? Ou bien serait-il rejeté à travers un autre Maelström, dont la spirale se déroulerait dans l’autre sens, du centre vers le pourtour, c’est à dire du passé vers le futur ? Autant de questions fascinantes, qui restent - pour le moment - hors de portée de la science des hommes…

 

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