LOGIGRAPHES, AUTOMATES & MACHINES KUBERNETIQUES
Dans le monde d'Uchronia, les termes "informatique", "cybernétique" ou "robotique" n'existent pas, et n'existeront sans doute jamais : pourtant, les notions et les concepts que recouvrent ces termes sont déjà connus de quelques brillants savants, issus des rangs du Club, de la Machine ou même de l'Academia Mecanica. Chacune de ces factions a mené ses propres travaux dans le plus grand secret, empruntant parfois des chemins fort différents pour arriver à des résultats similaires et vice versa. Ce faisant, chaque "école" a mis au point ses propres procédés techniques et sa propre terminologie. A la base, il existe trois grandes "sources" scientifiques ayant permis à des êtres humains de l’époque victorienne d'utiliser et finalement de concevoir des machines programmables : la source historique, la source prométhéenne et la source atlante.
La source historique : l’héritage de Babbage
Dans les années 1860, le mathématicien anglais Charles Babbage conçut sa " machine à différences ", énorme calculateur statistique considéré aujourd’hui comme l’ancêtre de nos ordinateurs modernes ; à sa mort, il laissa derrière lui les plans d’une " machine analytique " encore plus performante mais si complexe qu’elle était pratiquement irréalisable… Son invention sombra pratiquement dans l’oubli, jusqu’à ce que la Deuxième Guerre Mondiale ne rende nécessaire la mise au point de machines capables de décrypter les codes secrets, marquant ainsi les réels débuts du développement de la technologie informatique. Dans le monde d’Uchronia, l’invention de Babbage n’a pas été totalement oubliée et a servi de base aux travaux de plusieurs personnages (fictifs, ceux-là), comme Edwin Galifrey ou divers inventeurs mineurs de l’Academia Mecanica.
La source prométhéenne : la kubernétique
Seuls les membres du Symposium peuvent accéder de façon directe à cette source technologique. Bien évidemment, les machines analytiques élaborées à partir de connaissances d’origine prométhéenne dépassent de loin par leurs performances (mais aussi par leur complexité) les descendants directs des calculateurs de Babbage.
Dans un premier temps, seuls Terranova et Krylenkov s'intéressèrent de près aux possibilités offertes par cette branche du savoir prométhéen, qu’ils baptisèrent kubernétique. Dès le début, leurs travaux s'orientèrent dans des directions sensiblement différentes : Krylenkov se focalisa d'emblée sur l'idée d'une véritable "machine pensante" capable d'égaler, voire de surpasser les possibilités de l'intelligence humaine. De son côté, Terranova s'intéressa avant tout aux applications mécaniques de ces connaissances, dans le but de créer des automates capables de remplacer l'homme dans ses tâches les plus pénibles. Terranova partagea le fruit de ses recherches avec les plus brillants cerveaux de l'Academia Mecanica : Arthur Pemberton, Aaron Silbermann et Edward Norwood. Lorsque Terranova disparut pour échapper au Symposium, il emporta avec lui ses précieux carnets et ses trois assistants connurent des destins bien différents : Pemberton tomba sous le joug de la Machine, Norwood rejoignit le Club et Silbermann décida de disparaître lui aussi, afin d'échapper aux intrigues de la Guerre Secrète… mais tous poursuivirent leurs recherches, oeuvrant chacun de leur côté au développement de la technologie kubernétique.
La source atlante : les logigraphes
Seuls les Invisibles et les Horlogers du Club peuvent avoir accès à cette extraordinaire technologie, issue du savoir contenu dans les cylindres atlantes récupérés par Nemo avant son saut à travers le temps. Ces connaissances sont d’une incroyable complexité et leurs applications techniques actuelles restent assez " primitives " comparées aux prodiges de la civilisation atlante. Nemo lui-même ne put décrypter et exploiter ces connaissances qu’avec l’aide de deux des plus brillants Invisibles : le cryptologue russe Alexis Bogatyr et le physicien anglais Sir William Thompson. C’est grâce à ce savoir que purent être conçus les logigraphes utilisés par le Club ainsi que l’extraordinaire " orgue " du Nautilus, dont la complexité et les performances se rapprochent des anciennes machines atlantes. Notons qu’à l’origine, la source prométhéenne et la source atlante ont une origine commune (bien qu’extrêmement lointaine) : la science perdue des mystérieux Anciens de Mars…
LES LOGIGRAPHES
Ces machines analytiques permettant le stockage, le traitement et la transmission d'informations confidentielles jouent un rôle primordial dans l’organisation du Club, dont ils constituent en quelque sorte l’infrastructure technologique.
Conçus par Nemo, Sir William Thomson et plusieurs Maîtres Horlogers à partir de connaissances technologiques d'origine atlante, les logigraphes du Club sont beaucoup plus perfectionnés que les calculateurs géants de Babbage ou d'Edison - bien qu'ils restent relativement rudimentaires, comparés aux authentiques machines pensantes de l'ancienne Atlantide…
Chacun des Bureaux du Club est équipé d'un logigraphe, relié à une puissante antenne de transmission d'ondes électromagnétiques, permettant ainsi une communication instantanée entre les différents Bureaux, mais aussi avec les agents de terrain, grâce aux transmetteurs spécialement conçus à cet effet (voir ci-dessous). Le Club dispose ainsi d’une véritable " toile logigraphique " couvrant la quasi-totalité de la surface du globe.
Chaque logigraphe possède son propre nom de code : Mycroft (Londres), Quasimodo (Paris), Amadeus (Vienne), Benjamin (New York), le Big One (San Francisco), le Sphinx (Caire), l’Eléphant (Bombay).
Vu de l'extérieur, un logigraphe se compose de deux grands éléments : le coffrage, qui ressemble à une grosse armoire métallique (et qui renferme le moteur ainsi que les délicats circuits électromécaniques assurant le fonctionnement de la machine) et le pupitre de commande, lequel est doté d'un clavier tout à fait similaire à celui d'un orgue ou d'un piano.
Leur utilisation, leur maintenance et surtout leur programmation nécessitent un savoir-faire particulier, représentés en termes de jeu par l'Atout Opérateur de Logigraphe (voir ci-dessous). Sur le plan strictement technique, un logigraphe fonctionne grâce à un moteur électromécanique de haute précision, alimenté par une batterie au vulcanium.
C'est à partir du clavier que l'opérateur contrôle et programme la machine. Pour ce faire, il utilise un langage crypté spécial, directement inspiré de l'ancienne mathématique atlante, laquelle ne fonctionnait pas en base 10 mais en base 12. La gamme musicale comprenant douze demi-tons, il est parfaitement possible de convertir le langage-machine des logigraphes en "musique", avec toutes les variables (accords, arpèges, mesures etc) que cette approche permet d'intégrer. Le but de ce processus est d'assurer une transmission sonore cryptée des informations par voie électromagnétique.
Concrètement, le logigraphe convertit les informations en données chiffrées de base 12, puis en musique (souvent cacophonique !) : les opérateurs de logigraphe les plus chevronnés sont capables de décrypter un message "à l'oreille", en décodant mentalement la séquence de notes correspondantes. Un logigraphe peut également exécuter diverses séquences d'instructions préalablement programmées, transcrites sur des cartes perforées stockées à l'intérieur de la machine - celle-ci fonctionne alors automatiquement, sans avoir besoin de l'assistance d'un opérateur humain.
Ce n'est évidemment pas un hasard si le jargon des opérateurs de logigraphes s'inspire en droite ligne du vocabulaire musical : ainsi, un opérateur devient un "organiste", un organiste particulièrement doué est un "maestro" ou un "virtuose", une séquence d'instructions programmées est appelée "partition" et un défaut de fonctionnement "fausse note".
Le code musical utilisé pour la transmission des informations les protège pour l'instant de tout décryptage : lorsque, par hasard, une antenne du réseau de communication de la Machine intercepte un message logigraphique du Club, ledit message est tout simplement considéré comme une série d'interférences électromagnétiques accidentelles…
Les informations traitables par un logigraphe peuvent être enregistrées sur deux types de support : des cartes perforées ou des cylindres de cire (similaires à ceux d’un phonographe). La carte perforée offre l’avantage d’être très simple à réaliser mais ne peut contenir qu’une quantité limitée d’informations : elle sera donc surtout utilisée pour les " partitions ", les procédures standards et, bien sûr, pour envoyer des messages à partir d’un transmetteur logigraphique (voir ci-dessous). Le gravage des cylindres de cire nécessite un équipement particulier mais chaque cylindre peut contenir une quantité d’informations très supérieure à celle d’une simple carte, ce qui rend ce support idéal pour le stockage des informations. Chaque Bureau possède ainsi ses " armoires aux archives " remplies de rouleaux de cire soigneusement répertoriés.
Mais la transmission et le stockage d'informations cryptées ne sont pas les seules fonctions des logigraphes, qui sont également utilisés à des fins stratégiques dans la lutte contre la Machine et le Symposium : grâce aux extraordinaires capacités d'analyse statistique de ces machines, les dirigeants du Club peuvent plus facilement anticiper les initiatives de l'adversaire à partir des renseignements préalablement recueillis et traités. Les logigraphes sont également mis à contribution sur le plan financier : en analysant les fluctuations du marché, ils permettent au Club de renflouer régulièrement ses caisses grâce à de fructueuses opérations boursières, mais aussi de mieux anticiper ou contrecarrer les manœuvres des rouages financiers de la Machine, comme le Cercle Imperium ou le Stahl Kartell.
Chaque cercle d'agents dispose d'un transmetteur logigraphique permettant de communiquer toute information recueillie au logigraphe du Bureau concerné.
Extérieurement, ce transmetteur se présente sous l'aspect d'un petit orgue de barbarie (avec manivelle et cartes perforées) muni d'une antenne métallique. L'appareil, destiné à être transporté, peut tenir dans une grosse valise ou une petite malle. Lorsqu'il souhaite envoyer un message, l'opérateur " joue " la séquence correspondante sur le clavier, séquence qui est ensuite émise sous forme d'ondes électromagnétiques vers son destinataire. Lorsque le transmetteur reçoit un message, celui-ci est immédiatement transcrit sous forme de carte perforée, qu’il suffit ensuite à l’opérateur de décrypter.
Savoir Utiliser un Logigraphe Pour apprendre à se servir correctement d’un logigraphe ou d’un transmetteur, un agent du Club doit d’abord se familiariser avec le " solfège ", ce système de cryptage musical dont la connaissance est indispensable à l’écriture ou au déchiffrage de messages logigraphiques. Pour cela, il doit suivre une formation spéciale, qui peut être concentrée en quelques semaines. En règle générale, les opérateurs de logigraphe possèdent un Esprit Analytique ou une Mémoire Étonnante, Atouts qui facilitent considérablement l’apprentissage de leur compétence, mais celle-ci reste néanmoins accessible à n’importe quel sujet raisonnablement instruit et studieux. Ces connaissances de base ne permettent toutefois pas au personnage d’effectuer des opérations plus compliquées (réparations majeures, modifications, programmations etc), lesquelles exigent forcément un ou plusieurs Atouts appropriés, comme Expert en Logigraphe ou Technologie Avancée. |
Enfin, notre étude ne serait pas complète si nous n’évoquions pas le fameux " orgue " du Nautilus, qui est probablement la machine analytique la plus puissante existant dans le monde d’Uchronia. Il s’agit en effet d’un authentique artefact atlante, celui-là même qui permit à Nemo de déchiffrer les cylindres contenant les connaissances qui forment la base de la technologie avancée du Club.
Mais l’orgue du Nautilus est bien plus qu’un simple logigraphe : c’est une véritable machine pensante, dotée d’un cerveau artificiel extrêmement complexe, dont Nemo et les Maîtres Horlogers sont loin d’avoir percé tous les secrets – à commencer par celui de sa source d’énergie, apparemment inépuisable. Cette énergie provient vraisemblablement des trois étranges cristaux qui forment le cerveau de l’orgue, que Nemo a surnommé " Mnemos " (mémoire, en grec ancien).
Extérieurement, la machine ressemble un peu à un grand orgue d’église, avec son clavier, ses tuyaux et un siège au dossier surmonté d’une coupole métallique. Les " tuyaux " sont en fait les cylindres contenant les données, insérés à la verticale dans le corps de la machine. Les étranges sons qu’émet l’orgue lorsqu’il " travaille " proviennent en fait des cristaux eux-mêmes.
Mnemos transmet ses informations à son utilisateur par un processus de " télépathie électromagnétique " dont le fonctionnement exact défie pour le moment toute explication scientifique : par l’intermédiaire de la coupole surmontant le dossier du siège, des ondes d’un type encore inconnu sont manifestement envoyées vers le cerveau du sujet, où elles se trouvent ensuite reconverties sous la forme d’informations parfaitement déchiffrables. La machine n’a toutefois rien d’un " transmetteur de connaissances instantané ", ce processus d’imprégnation cérébrale prenant à peu près autant de temps qu’une lecture attentive des mêmes informations.
C’est grâce au clavier que Nemo peut communiquer directement avec Mnemos, le consulter et l’interroger comme n’importe quel interlocuteur. Il utilise pour cela un langage mathématique complexe, dont l’apprentissage constitua le premier enseignement de Mnemos et qui servit de modèle au " code musical " employé par les opérateurs de logigraphes.
En treize ans d’interaction avec la mystérieuse machine, Nemo a pu constater que celle-ci possédait une mémoire autonome, était dotée d’une étrange forme d’intuition et semblait consciente de sa propre existence… Qui sait quels secrets recèle encore son cerveau de cristal ?