PÉRIPÉTIES ET REBONDISSEMENTS |
Selon la plupart des dictionnaires, une péripétie peut être définie comme un "incident imprévu" ou, plus précisément, comme "tout revirement inattendu dans le déroulement d'une intrigue". C'est exactement dans ce sens que nous utiliserons ce terme dans le contexte d'Uchronia.
Les effets dramatiques décrits ci-dessous constituent en quelque sorte la "boîte à outils" du Chroniqueur. Ces péripéties permettent d'enrichir, de moduler ou de développer la trame de base d'un épisode, mais aussi d'effectuer des "interventions d'urgence" en cours de jeu, pour relancer une action qui s'enlise, pour pimenter une intrigue qui s'achemine vers une conclusion décevante ou un peu trop facile, pour donner un coup de pouce à des joueurs qui piétinent ou encore pour empêcher un événement imprévu de saboter complètement le déroulement d'un épisode. Le Chroniqueur devra toutefois éviter de recourir à ce genre de procédés de manière abusive, sous peine de donner à ses joueurs l'impression fort frustrante qu'ils n'exercent aucun contrôle sur le déroulement de l'action. Que ces péripéties jouent ou non en faveur des héros ne change rien : si un Chroniqueur utilise ces effets dramatiques d'urgence pour compliquer systématiquement la tâche des héros, ses joueurs finiront par penser qu'il joue contre eux; en revanche, si le Chroniqueur multiplie les deus ex machina pour les tirer d'affaire dès qu'ils se trouvent confrontés à une difficulté imprévue, les joueurs auront le sentiment qu'on leur mâche le travail, ce qui diminuera considérablement le plaisir du jeu - à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Les péripéties auxquelles un Chroniqueur peut avoir recours sont rangées en cinq grands degrés d'intensité, du simple incident au deus ex machina : plus ce degré est élevé, plus la péripétie est importante, dangereuse ou spectaculaire et plus elle sera susceptible d'influer de façon décisive sur le cours de l'action - et plus, en toute logique, elle devra être rare…
Un incident est une péripétie mineure, qui ne risque guère d'affecter de façon cruciale le cours de l'action mais qui peut aider le Chroniqueur à installer une certaine ambiance, à rendre plus vivant tel ou tel protagoniste, à refléter l'atmosphère d'un lieu spécifique, ou tout simplement à évoquer le parfum particulier de l'époque victorienne.
Un obstacle prend généralement la forme d'une situation problématique que les héros devront surmonter, résoudre ou éviter "en cours de route", avant d'arriver à leur but. Un obstacle peut faire partie intégrante de la trame d'un épisode ou, au contraire, n'avoir aucun rapport avec l'action principale. Suivant la situation, un obstacle peut prendre différentes formes : mauvaises rencontres, problèmes techniques, imbroglio mondain… Ce ne sont pas les possibilités qui manquent ! De telles complications peuvent aussi résulter d'une décision malencontreuse prise par les héros ou, dans certaines situations, d'une malchance calamiteuse. Dans un contexte comme celui de la Guerre Secrète, ce type de péripéties peut également être provoqué par la nécessité pour les agents du Club de "préserver les apparences" ou d'éviter l'intervention de protagonistes indésirables.
La diversion constitue un type particulier de péripétie, et peut être définie comme l'obstacle qu'il ne faut pas chercher à franchir… Il s'agit ni plus ni moins d'un leurre narratif, destiné à détourner les héros de leurs objectifs - ou, au contraire, à tester leur perspicacité. Le plus souvent, une diversion prendra l'aspect d'une fausse piste susceptible d'amener les personnages à des conclusions erronées, ce qui peut parfois avoir des conséquences catastrophiques… Cela dit, si la diversion est classée au-dessus de l'obstacle dans la hiérarchie des péripéties, ce n'est pas parce qu'elle débouche nécessairement sur des conséquences plus graves mais parce qu'elle doit être utilisée beaucoup plus rarement. Comme les obstacles, les diversions peuvent parfois découler des faits et gestes des héros. Dans le contexte de la Guerre Secrète, ce type de péripétie peut également représenter les inévitables interférences entre les affaires du Club et la vie privée, mondaine ou professionnelle des personnages…
Le coup de théâtre est un événement totalement inattendu, qui vient bouleverser le déroulement de l'action. Suivant la situation, il peut prendre la forme d'une incroyable révélation, d'un accident impossible à prévoir, d'un retournement de situation inattendu ou encore de l'intervention soudaine d'une force inconnue. Un coup de théâtre ne doit jamais être prévisible. Si chaque épisode a son coup de théâtre, le procédé finira par perdre tout son impact. Dans le même ordre d'idée, il est fortement déconseillé de mettre en scène plus de deux coups de théâtre dans le même épisode. Enfin, un coup de théâtre ne doit jamais être utilisé à la légère, de façon gratuite : les bouleversements qu'il provoque ont pour fonction de rendre l'intrigue plus captivante, et non de compliquer les choses pour le plaisir. Il est préférable de considérer le coup de théâtre comme un plan de secours, idéal pour redynamiser l'action d'une partie qui s'enlise, mais tout à fait superflu lorsque l'épisode se déroule tambours battants.
Le deus ex machina est le procédé narratif d'urgence par excellence. Par définition, cet effet consiste à faire intervenir un événement providentiel ou un personnage extérieur à l'action pour dénouer une situation dramatique sans issue ou pour sauver un héros d'une mort certaine. S'il est souvent utilisé par les scénaristes de bandes dessinées, de séries télévisées et de films d'aventure, ce procédé très artificiel (comme son nom l'indique) est à manier avec beaucoup de précaution en jeu de rôle et doit être strictement réservé aux situations réellement désespérées, faute de quoi les joueurs risquent d'avoir rapidement l'impression que leurs personnages sont immortels et n'ont pas besoin de faire attention à ce qu'ils font, puisque, tôt ou tard, quelqu'un ou quelque chose interviendra pour résoudre les choses à leur place. Le recours à un deus ex machina devra toujours être justifié et, si possible, raisonnablement vraisemblable. Le meilleur moyen d'éviter les deus ex machina peu crédibles consiste à éviter autant que possible les situations de "mort certaine", en laissant toujours aux héros une chance de s'en tirer ou de déjouer le danger en l'anticipant. Dans les récits d'aventures héroïques, un grand méchant qui tient enfin ses adversaires à sa merci préfèrera les capturer pour les interroger ou pour les soumettre à quelque diabolique ordalie plutôt que de les exécuter séance tenante.
Un contexte comme celui d'Uchronia, avec ses organisations secrètes et ses gadgets technologiques, facilite considérablement la justification des interventions providentielles et autres sauvetages spectaculaires. Ceci simplifie notablement l'utilisation du deus ex machina mais ne doit en aucun cas la banaliser. Grâce à leurs Synchronisateurs, les agents du Club peuvent envoyer un signal de détresse à leurs supérieurs en cas d'urgence absolue mais cela ne signifie en aucun cas que le Club sera en mesure d'intervenir séance tenante et d'envoyer la "cavalerie" dans les secondes qui suivent… Là encore, l'issue des événements doit dépendre de l'intérêt dramatique de la situation : si le Chroniqueur souhaite que les héros se débrouillent seuls, il peut tout à fait décider que le signal de détresse n'a pu être localisé avec précision, qu'aucune "équipe de secours" n'était disponible à ce moment ou encore que les renforts envoyés par le Club ont été promptement supprimés ou neutralisés par la partie adverse… Par contre, si une telle intervention est le seul moyen d'éviter un naufrage scénaristique, alors le Chroniqueur ne devra pas hésiter à jouer la carte du deus ex machina. |