Les Quatre Dimensions d'Uchronia

 

  Uchronia n'aurait évidemment jamais vu le jour sans les œuvres de Jules Verne, d'Herbert George Wells et de quelques autres grands précurseurs de la littérature de science fiction, ou plutôt d'anticipation, comme on l'appelait à l'époque... Un des objectifs d'Uchronia est de parvenir à capturer tout le charme de ces récits, en plongeant les joueurs dans des aventures épiques et extravagantes, pleines de rebondissements et d'événements étranges, le tout dans cette atmosphère "décalée" caractéristique du genre steampunk : bref, de leur ouvrir les portes d'un monde à la fois bizarre et familier, un monde où l'Histoire peut diverger à n'importe quel moment, un monde où tout est possible...

 

  Pour parvenir à rendre vivant et vraisemblable ce "passé impossible", le Chroniqueur dispose d'un certain nombre d'outils, de références et de recettes, que nous examinerons en détail ci-après... mais avant toute chose, il convient d'étudier de plus près les quatre "Dimensions" du jeu, quatre points-clés qui différencient Uchronia d'autres jeux de rôle plus classiques.

 

 

LA DIMENSION FEUILLETONESQUE

 

  Uchronia ne s'inspire pas seulement des thèmes des grands romans d'aventure et d'anticipation de la fin du XIXème siècle, mais aussi de leur forme, de leur style et de leur ambiance, ce qui explique l'emploi de termes comme Chroniqueur, Épisode ou Feuilleton, destinés à ancrer d'emblée le jeu dans un mode de narration dynamique et enlevé, privilégiant le suspense et la tension dramatique. Cette Dimension Feuilletonesque pourra également se retrouver dans le "jeu d'acteur" des joueurs, dans le ton et le rythme adoptés par le Chroniqueur, mais aussi dans la construction des Épisodes et l'élaboration du Feuilleton, comme nous le verrons par la suite. Le Chroniqueur d'Uchronia ne doit pas hésiter à utiliser tous les artifices et les stratagèmes encore employés aujourd'hui par les scénaristes de séries télévisées ou de bandes dessinées à suivre : rebondissements constants, adversaires récurrents, coups de théâtre, fins de partie en "cliffhanger" et autres ficelles narratives éprouvées. Ces divers petits "trucs" de mise en scène sont examinés en détail dans la partie Metteur en Scène. (Cliquer en bas de page sur les Trois Rôles du Chroniqueur.)

 

  Une autre caractéristique typiquement feuilletonesque est la possibilité d'étaler les aventures des héros sur plusieurs années. Dans le contexte particulier d'Uchronia, où "fin de siècle" rime avec "fin du monde", cette possibilité permet de progresser plus ou moins rapidement vers la date fatidique de l'An 1900 et la Grande Invasion... Les héros d'Uchronia ne se battent pas seulement contre les serviteurs des Prométhéens : comme dans de nombreux récits où une terrible menace pèse sur la Terre ou sur ses habitants, ils se battent aussi contre le temps, dont le passage inexorable rapproche l'humanité du moment fatidique où son sort sera joué... Pour que la Dimension Feuilletonesque d'Uchronia fonctionne de façon optimale en cours de jeu, le Chroniqueur doit gérer avec soin le crescendo dramatique de son Feuilleton, avec une montée en puissance progressive des dangers et des enjeux, mais aussi des possibles répercussions des actions des héros sur le cours global des choses, ce qui nous amène tout naturellement à la deuxième Dimension du jeu, la Dimension Héroïque...

 

 

LA DIMENSION HÉROÏQUE

 

  Prolongement logique de la précédente, la Dimension Héroïque pourrait se résumer en une seule phrase : les personnages des joueurs sont les héros de l'histoire. Ce qui peut, à première vue, sembler une évidence implique en fait une approche assez particulière, qui n'est pas forcément celle de tous les jeux de rôle. Comme leurs modèles littéraires ou cinématographiques, les héros d'Uchronia sont des individus exceptionnels, aux capacités largement supérieures à la moyenne, et qui bénéficient souvent de coups de chance providentiels dans les situations les plus critiques. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas échouer, ni même perdre la vie, mais simplement qu'ils ne sont pas là pour mourir "bêtement" au début d'un Episode ou suite à un jet de dés malheureux. Les règles de combat garantissent d'assez bonnes chances de survie aux héros, mais ne les empêchent certainement pas d'être mis hors de combat et donc capturés, emprisonnés voire torturés par leurs adversaires, dans la plus pure tradition des films d'aventure.

 

  Le statut de héros, toutefois, ne se limite pas à une "assurance survie" perpétuelle et implique certaines contreparties, à commencer par l'engagement des personnages dans le tourbillon de la Guerre Secrète. Le Chroniqueur est, du reste, tout à fait libre de rendre les choses plus "réalistes" et plus brutales pour les personnages qui se montreraient particulièrement veules, mesquins ou stupides : ainsi, un "héros" qui abandonne lâchement ses compagnons dans une situation périlleuse pour sauver sa peau n'a plus rien d'un héros, et mérite tout à fait de succomber à une mort ignominieuse, au contraire de ce qui se produit dans certains jeux de rôle où une attitude matérialiste et cynique s'avère souvent plus payante qu'un comportement véritablement héroïque. Une telle logique est évidemment parfaitement sensée dans certains contextes de jeu, mais va totalement à l'encontre de la Dimension Héroïque d'Uchronia. Idéalement, cette Dimension doit également se manifester à travers la destinée des personnages incarnés par les joueurs : autant que possible, le Chroniqueur devra veiller à ce que les héros occupent un rôle de plus en plus important non seulement au sein du Club, mais aussi dans l'Histoire de l'univers d'Uchronia, en leur permettant d'accomplir des actes réellement décisifs, et en donnant à leurs réussites, à leurs découvertes ou à leurs inventions un véritable impact sur l'évolution générale des événements... Cet aspect particulier de la Dimension Héroïque est intimement lié à la Dimension Uchronique du jeu, que nous allons aborder sans plus tarder...

 

 

LA DIMENSION UCHRONIQUE

 

  L'univers d'Uchronia est à la fois "historique" (puisque l'action se situe à la fin du XIXème siècle) et totalement imaginaire, puisqu'il incorpore entités extraterrestres, inventions anachroniques et autres bizarreries susceptibles de sérieusement perturber le cours normal de la "réalité"... Le caractère pseudo-historique d'Uchronia sert à la fois de prétexte et de façade au jeu. Lorsque le jeu commence, l'Histoire n'a pas encore divergé et les choses sont (du moins, en apparence) exactement semblables à ce qu'elles étaient à la fin du vrai XIXème siècle; le fait que l'Uchronie ne se manifeste qu'au bout d'un moment, une fois le jeu lancé, offre de nombreux avantages et ouvre des perspectives assez inhabituelles en jeu de rôle. Le premier avantage est celui de la simplicité : un joueur d'Uchronia n'a aucun background particulier à digérer avant de créer son personnage ou même de débuter un Feuilleton; au cas (assez improbable) où il aurait quelque difficulté à se représenter l'époque choisie, la lecture d'un Jules Verne ou de quelques aventures de Sherlock Holmes devrait s'avérer suffisante. Tout le reste pourra être découvert en jeu, au fil des Épisodes. Le deuxième avantage, non négligeable, est celui de la surprise : dans un jeu de rôle vraiment historique, les joueurs savent que les actions de leurs personnages ne pourront pas altérer de façon notable le cours de l'Histoire. Dans Uchronia, les choses obéissent à une toute autre logique : Jack l'Éventreur peut être identifié et arrêté, Paris peut être détruit par une pluie de météores et la Reine Victoria assassinée en plein Buckingham Palace ! Dès lors, les héros peuvent se retrouver confrontés à des enjeux d'ampleur vraiment "historique" (sauver Paris de la destruction, par exemple, ou déjouer le complot contre la Reine Victoria) sans que leur réussite ou leur échec soit "déjà écrit", ce qui renforce considérablement le suspense de la chose et permet même aux personnages des joueurs de (re)faire l'Histoire, un privilège rarement accordé aux héros de jeux de rôle. A partir du moment où les joueurs s'aperçoivent que le monde d'Uchronia ne suit pas la même chronologie que le nôtre, l'éventualité de l'invasion prométhéenne prend une toute autre dimension, et cesse d'être une vague menace à long terme pour devenir un enjeu historique... L'ouverture uchronique du jeu peut rendre possible des situations inimaginables dans d'autres jeux : supposons, par exemple, que les héros parviennent à informer de hauts responsables du gouvernement français de l'existence du complot prométhéen et de la menace qu'il représente pour l'humanité entière. Dans un jeu plus classique, la "logique" et le "réalisme" voudraient que les efforts déployés par les joueurs soient réduits à néant par quelque coup de Jarnac ourdi par leurs adversaires... Dans Uchronia, rien n'empêche le Chroniqueur de décider que le gouvernement prend la chose tout à fait au sérieux, place tout le pays en état d'alerte et confie aux héros la direction d'un ministère secret destiné à gérer le problème prométhéen... mais le côté "délirant" du monde d'Uchronia ne se limite pas à de possibles divergences historiques : la réalité cache bien d'autres surprises, qui relèvent de la "quatrième dimension" du jeu, la Dimension Hétéroclite.

 

 

LA DIMENSION HÉTÉROCLITE

 

  La Dimension Hétéroclite est, au propre comme au figuré, la "Quatrième Dimension" d'Uchronia. En effet, l'univers d'Uchronia intègre dans le même tableau une quantité d'éléments imaginaires apparemment disparates : invasion extraterrestre, divergences historiques, inventions extraordinaires, organisations secrètes... mais aussi pouvoirs paranormaux, voyages temporels, civilisations disparues, micro-univers et autres incongruités. Soigneusement dosés, ces éléments permettent de créer la surprise, le mystère ou la découverte, de maintenir en éveil la curiosité des joueurs et d'ouvrir au Chroniqueur un champ de création le plus vaste possible. Utilisés à tort et à travers, sans utilité dramatique, ils donneront au contraire l'impression d'un univers fourre-tout, sans véritable cohérence et où les faits et gestes des héros se noient dans le n'importe-quoi ambiant. De toutes les Dimensions d'Uchronia, la Dimension Hétéroclite est sans doute la plus difficile à appréhender et à gérer sur le plan pratique. Le Chroniqueur ne doit surtout pas considérer les secrets du monde d'Uchronia comme une somme d'informations devant être digérées par les joueurs le plus rapidement possible avant de pouvoir passer aux "choses sérieuses" (déjouer le complot, éliminer les méchants et sauver la planète); au contraire, ces informations doivent être soigneusement distillées, au fil des Épisodes, et uniquement lorsque leur divulgation ou leur découverte apporte quelque chose à l'histoire. Il est parfaitement possible de jouer des dizaines d'épisodes avant d'entendre seulement parler de l'existence des Selkies ; il est même parfaitement possible de jouer plusieurs Épisodes préliminaires avant de faire intervenir le Club ou de révéler aux joueurs l'existence de la menace prométhéenne... En tant que Chroniqueur, vous êtes seul maître à bord : selon vos préférences personnelles ou, mieux encore, celles de vos joueurs, vous pouvez tout à fait choisir de mettre l'accent sur tel ou tel aspect des choses ou même de laisser certains éléments de côté; ainsi, si vous trouvez que les artefacts atlantes et les Selkies ne s'accordent pas à l'idée que vous vous faites du jeu, rien ne vous empêche d'ignorer purement et simplement leur existence. A l'inverse, rien ne vous empêche de mettre la Guerre Secrète en veilleuse et de focaliser votre Feuilleton sur une forme d'Uchronie plus poétique ou sur un des thèmes "secondaires" d'Uchronia, comme la magie des Adeptes ou la recherche des secrets perdus d'Atlantis, ou même d'ajouter un nouveau pan à l'univers du jeu...

 

Les Trois Rôles du Chroniqueur
Références et Sources d'Inspiration