Quel est donc ce mystérieux métal qui suscite tant
de passions depuis que son existence a été rendue publique, voici
quelques mois ? Un scientifique de nos amis l’a récemment décrit
comme étant " l’orichalque enfin redécouvert ",
pertinente allusion au métal fabuleux décrit par Platon dans son
" Atlantide ". Soumise à l’action d’un champ
magnétique, cette moderne pierre philosophale devient capable de
" cracher " ces génies industrieux que sont les
électrons, alimentant ainsi toute une nouvelle gamme d’applications :
moteurs, ampoules d’éclairage électrique et autres merveilles du
progrès… M. Thomas Edison, le célèbre inventeur américain, se
vante d’ores et déjà de pouvoir subvenir aux besoins en
électricité de la ville de New York pendant un an avec seulement une
tonne de ce minerai ; les rues de notre belle capitale verront
bientôt circuler, aux côtés de nos fiacres si familiers, d’extraordinaires
voitures sans chevaux, propulsées par des moteurs électro-vulcaniques,
alors que, dans la verte campagne anglaise, les locomotives alimentées
au minerai-miracle battront tous les records de vitesse…De l’autre
côté du Rhin, on parle déjà d’adapter le Vulcanium aux énormes
outres volantes du Comte Zeppelin…mais gageons que les ballons du
Kaiser feront bien pâle figure face aux fabuleuses machines aériennes
qui sortiront bientôt des hangars de l’ingénieur français Clément
Ader… elles aussi propulsées par le prodigieux Vulcanium !
A l’état naturel, le Vulcanium a l’aspect d’une
pierre noirâtre veinée de rouge. Après raffinage, on obtient des
lingots d’une teinte rouge brique, beaucoup plus lourds que le plomb
et déjà prêts à l’emploi. Utilisé comme combustible, le Vulcanium
ne fond pas mais se contente de devenir progressivement plus léger,
tout en perdant peu à peu sa couleur rouge pour adopter une teinte
noire proche du jais. Une fois refroidi, le lingot de métal noir n’est
en rien perdu, puisqu’il peut être ensuite utilisé dans la
conception d’un alliage incroyablement résistant mais pourtant
étonnamment flexible, le Fibracier.
Présents principalement dans les régions
tropicales, les gisements de Vulcanium sont généralement situés à
une grande profondeur sous la surface terrestre, ce qui explique en
grande partie sa récente découverte, rendue possible par les progrès
des techniques d’extraction minière. Il semble pourtant que l’existence
du minerai était depuis longtemps connue de certaines peuplades
indigènes d’Afrique et d’Amérique du Sud, qui, dans leur naïveté
primitive, paraissent le considérer comme une sorte de pierre fétiche
aux propriétés magiques, rejoignant ainsi, par une amusante
coïncidence, l’avis des scientifiques les mieux informés… Selon
ces mêmes autorités scientifiques, il ne fait aucun doute qu’on
assistera, dans les prochaines années, à une véritable
" ruée vers le Vulcanium ", que d’aucuns ont
baptisé " l’Or Rouge ", et qui sera l’indispensable
ressource du siècle à venir. Dans cette course à l’énergie, la
France, fidèle à son esprit novateur et conquérant, se trouve d’ores
et déjà en position de tête, puisque c’est une société
française, la Compagnie Générale des Mines présidée par le
célèbre industriel Charles-André Béthancourt, qui contrôle la
majeure partie des gisements mondiaux de ce révolutionnaire
combustible.
Voilà donc la formidable découverte qu’ont
offerte Messieurs Edison et Béthancourt à une humanité
reconnaissante, à l’aube d’une ère nouvelle, placée sous le signe
de la Science et du Progrès.